Message de Patricia MIRALLES – Ministre déléguée auprès du ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants
Ce 8 juin, la République rend hommage aux Morts pour la France en Indochine.
De la Seconde Guerre mondiale au lendemain des accords de 1954, plusieurs centaines de milliers d’hommes y furent engagés sous nos couleurs. Plus de 47 000 soldats métropolitains, légionnaires, tirailleurs africains, ainsi que 28 000 vietnamiens, cambodgiens et laotiens, combattant au sein du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient, y trouvèrent la mort.
Alors que nous parvenons au terme du cycle de commémoration du 80e anniversaire de la Libération, il faut d’abord rappeler la place qu’y prit l’Indochine, y compris dans ce qui allait devenir les prémisses d’un nouveau conflit. Souvenons-nous du coup de force japonais du 9 mars 1945, de ces combats qui ne s’arrêtèrent pas le 8 mai 1945, de ces hommes qui résistèrent dans les citadelles et maquis d’Indochine, dans les deltas ou les rizières. Rendons hommage aux trois Compagnons de la Libération, Jean d’HERS, René NICOLAU et Charles LE COCQ, tués par les Japonais en mars 1945 ainsi qu’aux 457 médaillés de la Résistance française au titre de l’Indochine.
Ce n’est que le 2 septembre 1945 que le général LECLERC signait l’acte de capitulation japonaise à bord du cuirassé Missouri. Dans les semaines qui suivirent, il prenait le commandement du corps expéditionnaire français et débarquait à Saïgon pour redonner à la France toute sa place. Des unités entières, dont de nombreux combattants venaient de prendre part à la victoire contre le nazisme et le fascisme, furent redéployées : commandos, comme le commando PONCHARDIER, parachutistes, comme ceux du 1er BCCP, dont deux soldats seront inhumés aujourd’hui à la nécropole nationale de Fréjus, aviateurs de plusieurs escadrilles de chasse, contingents formés en métropole ou en Afrique. Tous rapidement engagés dans une tâche plus complexe qu’attendue, où la guerre finit par succéder à la tension.
Les héros de la Libération se retrouvaient acteurs d’un conflit aux contours nouveaux, dans lequel ils s’engagèrent avec la même bravoure et la même abnégation, malgré l’indifférence et l’incompréhension d’une société française trop occupée à se reconstruire, et désireuse d’oublier les affres de la guerre.
Qu’il soit donc rendu hommage à ceux qui, après le 8 mai 1945, continuèrent de servir fidèlement les armes de la France jusqu’en juillet 1954.
Que leurs combats, dans les conditions les plus rudes, ne soient jamais oubliés.
Sur les mers, dans les airs, sur la terre, appuyés par un soutien logistique capital, soldats des trois armées et supplétifs indochinois affrontèrent un ennemi déterminé, redoutable, dans un environnement éminemment hostile. Toujours et partout, par-delà les jungles et les rizières, jusqu’au bout de l’enfer de Dien Bien Phu, les personnels du service de santé — à l’exemple héroïque de Geneviève de GALLARD ou de Valérie ANDRÉ, récemment disparues — firent preuve d’un dévouement sans réserve pour porter assistance aux blessés sous le feu.
Qu’il soit toujours rappelé l’absolu de leur bravoure, et la grandeur de leur sacrifice, qui ennoblissent notre histoire.
Que soit salué, aussi, le courage de tous ceux qui, d’abord silencieux, surent trouver les mots, souvent longtemps après les combats, pour dire l’épreuve, la souffrance, la honte parfois. Par l’héroïsme de leur témoignage, ils ont permis à la mémoire nationale de devenir plus juste et plus complète.
Qu’il soit rendu hommage aux milliers de prisonniers, et que jamais ne s’efface le souvenir de ceux que la faim, la maladie ou l’épuisement ont brisés dans les camps. Quand les accords de Genève ont mis officiellement fin aux combats, plus de 20 000 soldats français sont demeurés prisonniers.
Ils devaient connaître encore les longues marches infernales, leurs chairs martyrisées, les privations, et pour beaucoup la mort. Leur endurance face à l’épreuve, leur force d’âme inexpugnable, leur courage, souvent oubliés, appartiennent à notre histoire.
Que le souvenir soit honoré, enfin, des civils arrachés à leur foyer par les bouleversements de 1954. Rapatriés dans l’urgence, souvent démunis, ils durent tout reconstruire dans une métropole inconnue, mais dont ils acceptèrent de faire leur terre d’avenir.
Que soit transmis aux générations nouvelles ce double héritage : celui du courage, et celui de la vérité. Non pour exalter la guerre, mais pour comprendre ce qu’elle exige, ce qu’elle détruit, et ce qu’elle révèle aussi de la force humaine.
En réunissant les Françaises et les Français devant les monuments aux morts, à travers tout le pays, cette journée nationale d’hommage rappelle que la reconnaissance de la Nation ne s’éteint pas : elle s’approfondit au fil du temps, à mesure que le souvenir devient mémoire, et que la mémoire devient conscience.
À ceux qui sont morts pour elle, à ceux qui ont été prêts à donner leur vie, à ceux qui ont souffert, la Nation exprime aujourd’hui sa fidélité et sa gratitude.
Elle rappelle également son attachement à cette mémoire partagée, la reliant, dans l’estime et l’amitié entre les peuples, à des pays devenus des partenaires de confiance.
Honneur à ceux d’Indochine. Vive la République, et vive la France.